Comment reconnaître un chercheur prétentieux ?

NooLib The Blog | le 05-11-2016
Catégorie : Opinion
Vous avez, sans doute, déjà croisé ces chercheurs qui possèdent des CV impressionnants et monopolisent des temps de paroles considérables sur les chaînes des médias. Mais quant est-il de leur crédibilité ?

Tel est le cas, par exemple, d'Idriss Aberkane, qui fait actuellement le buzz sur les réseaux sociaux. Le chercheur est présenté comme un génie des neurosciences et affiche un CV impressionnant. Pourtant, tout cela est trompeur et Idriss Aberkane a volontairement grossi les traits de son parcours universitaire [1] pour attiser les foules et vendre son dernier ouvrage.

Alors, comment découvrir si le chercheur en question est un chercheur prétentieux ? Il existe quelques méthodes simples qui peuvent vous aider à faire la différence.

1ère méthode : Étudier le mode de communication du chercheur


Le mode de communication d'un chercheur prétentieux est relativement simple. Il se base toujours sur un contexte scientifique souvent bien établi, sans controverse, auquel il greffe subtilement ses opinions personnelles. Cependant, ce sont généralement des opinions qui ne dérangent pas et, au final, il crée un discours qui n'est ni vrai ni faux où toute personne est susceptible de s'y retrouver. Cependant, le discours est toujours cloisonné, voire manichéen.

Par exemple, le discours d'Idriss Aberkane sur les révolutions scientifiques est très sectaire et invérifiable. Il juge, en effet, qu'une révolution scientifique passe systématiquement par trois étapes qui sont : le ridicule, la dangerosité et l'évidence. Personne ne peut vérifier ce type d'information et en même temps elle ne choque personne. Son unique objectif est de rassembler un public et créer de l'audience.

2ème méthode : Rechercher les publications du chercheur


Vous pouvez vous renseigner sur les publications du chercheur auprès de bases de données telles que sciencedirect ou pubmed. En renseignant le champ "nom de l'auteur" vous avez ainsi accès à l'ensemble de ses publications depuis sa thèse de doctorat.

Si nous reprenons le cas d'Idriss Aberkane, nous découvrons que ce dernier ne possède aucune publication scientifique. Ceci doit vous mettre la puce à l'oreille, car, un enseignant-chercheur qui exerce des activités de recherche dans des établissements renommés publie nécessairement au moins un article tous les 4 ans (nouveaux critères de l'HCERES, anciennement 2 articles tous les 4 ans [2]).

Dans le cas où le chercheur possède effectivement des publications, il est ensuite nécessaire d'examiner l'impact factor du journal dans lequel l'article a été publié. L'impact factor est un indice, même si contestable, qui quantifie la qualité de la revue scientifique. Plus celui-ci est élevé, plus le journal est lu et est potentiellement sérieux. La communauté scientifique considère généralement qu'un journal possédant un impact factor supérieur à 1 est un journal de qualité.

Il existe des bases de données, comme Journal of Impact Factor ou Scimago Journal & Country Rank, qui tentent de répertorier l'impact factor de l'ensemble des journaux scientifiques ou de leur attribuer un indice de qualité. Vous pouvez ainsi savoir rapidement si le chercheur publie dans des revues acceptables.

3ème méthode : Rechercher les applications industrielles du chercheur


En effet, il est possible qu'un chercheur travaillant dans l'industrie ne publie pas car il est soumis à la confidentialité des données de l'entreprise. Cependant, le chercheur peut déposer des brevets d'invention. Il existe deux bases de données référençant l'ensemble des brevets français et européens. Le premier provient de l'INPI et le second de l'Office Européen des Brevets.

En prenant toujours comme exemple Idriss Aberkane, une rapide recherche sur ces bases de données ne montre aucun brevet déposé à son nom.

4ème méthode : Examiner la thèse de doctorat du chercheur


Aujourd'hui, avec les archives ouvertes, vous pouvez avoir accès très facilement aux thèses de doctorat des jeunes chercheurs. Il suffit de se rendre sur le moteur de recherche des thèses françaises et renseigner le nom de l'auteur.

Si vous êtes du domaine, vous pourrez alors parcourir la thèse et analyser son contenu. Si vous n'êtes pas du domaine, repérer les directeurs de thèse et reprenez les méthodes 2 et 3 sur ces mêmes personnes. Si celles-ci publient peu ou ne sont pas clairement reconnues dans leur domaine d'expertise alors vous pourrez émettre des doutes quant à la qualité de la thèse effectuée.

Pour reprendre le cas d'Idriss Aberkane, nous pouvons effectivement retrouver deux thèses soutenues en 2014 et 2016 mais non trois comme il le prétend. Par ailleurs, nous vous laissons juge de la qualité de ces deux thèses.

5ème méthode : Conclure sans stigmatiser


Clairement, Idriss Aberkane est un chercheur prétentieux et n'est pas un homme de confiance. Que celui-ci ne publie pas ou ne dépose pas de brevet n'est pas gênant tant qu'il ne se présente pas comme un chercheur de haut vol et qu'il ne profite pas de la crédulité de son public pour vendre ses produits.

Néanmoins, il ne faut pas non plus stigmatiser un chercheur uniquement sur le nombre d'articles ou de brevets qu'il a publié. Il existe bien d'autres facettes qui caractérisent un bon chercheur comme sa faculté d'enseigner, d'accompagner ses étudiants ou de rechercher des financements pour monter des projets collaboratifs. D'autre part, tous les chercheurs français ne sont pas logés à la même enseigne. Les enseignants-chercheurs d'établissements privés ont très souvent des contraintes d'enseignements et de suivis d'étudiants qui sont très supérieures aux enseignants-chercheurs des universités par exemple. Ces derniers publient donc moins souvent car ils ont moins de temps pour le faire. Cela n'a rien de grave mais il est nécessaire de le prendre en considération.

Exercice d'application


Est-ce que les frères Bogdanoff sont des chercheurs prétentieux ?

Référence(s)

[1] Martin Clavey. Sciences et recherche: le CV dopé d'Idriss Aberkane . L'express. 2016. Lien
[2] AERES. Critères d'identification des chercheurs et enseignants-chercheurs "produisant en recherche et valorisation". AERES. 2014. Lien

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