Docteur, j'ai une tension de 13/8, est-ce grave ?

NooLib The Blog | le 02-11-2016
Catégorie : Médecine
Nous nous sommes probablement tous demandé un jour ce que pouvaient bien signifier les chiffres que notre médecin nous annonçait lorsqu’il mesurait notre tension artérielle au niveau du bras. Une première remarque serait d’ailleurs de se demander ce que représente physiquement une tension artérielle, encore appelée pression artérielle ?

La pression artérielle représente la pression, c’est-à-dire la force par unité de surface, qui est présente au sein des vaisseaux sanguins (artères et veines) et s’exerce sur la paroi de ces derniers. Si la pression artérielle au sein des artères est très élevée, de l’ordre de 90 mmHg (millimètre de mercure), elle l’est cependant beaucoup moins au niveau des veines, de l’ordre de 15 mmHg, afin notamment de faciliter les échanges chimiques entre le vaisseau et ses tissus environnants. La pression artérielle n’a qu’une seule origine, celle du cœur. En effet, ce dernier propulse, à chaque battement cardiaque, un bolus de sang à une pression toujours supérieur à 100 mmHg dans la crosse aortique qui ensuite se propage sur l’ensemble du réseau artériel.

Au delà du fait que les artères représentent un réseau à haute pression, celles-ci possèdent également une grande particularité puisque la pression artérielle y est dite pulsée, c’est-à-dire qu’elle oscille à chaque battement cardiaque entre deux valeurs. La médecine définit alors trois variables caractéristiques correspondant à :

  • la pression artérielle diastolique, soit la pression la plus basse,

  • la pression artérielle systolique, soit la pression la plus haute,

  • la pression moyenne qui règne au sein d’une artère.



Figure 1. Représentation de la pression artérielle systolique, diastolique et moyenne sur plusieurs cycles cardiaques, pour différentes artères et veines, chez l'animal. Repris de [3].


La pression artérielle moyenne est généralement calculée selon la relation [2] :

P_{moyenne} = \frac{1}{3}P_{systolique} + \frac{2}{3}P_{diastolique}
où P représente la pression. Néanmoins, certains chercheurs considèrent qu'elle n'est pas suffisante et doit prendre en compte d'autres paramètres comme la fréquence cardiaque. La formule devient alors [2] :

P_{moyenne} = P_{diastolique} + 0.33 + (FC \times 0.0012)\times PP
où FC représente la fréquence cardiaque en battements/min et PP la pression pulsée, soit :

PP = P_{systolique} - P_{diastolique}

La pression pulsée au sein des artères provient du fait que le cœur lui-même ne propulse pas le sang vers la crosse aortique d’une manière continue, mais plutôt d’une manière assez violente lorsque le muscle cardiaque se contracte et que le sang est expulsé en dehors des valves aortiques. Tout le jeu du système artériel est alors de contrôler cette pression pulsée apportée par le cœur en la transformant en une pression continue et de faible intensité au niveau des veines.

Ainsi, ce que tente de mesurer votre médecin, lorsqu’il vous place un brassard pneumatique au niveau du bras, est donc votre pression systolique et votre pression diastolique. Ces deux valeurs lui indiquent si la pression au sein de vos artères est trop basse, normale ou trop élevée. Pour des raisons historiques, ces deux pressions sont toujours exprimées en millimètre de mercure (mmHg) par les médecins, alors que l’unité internationale pour une pression reste bien le Pascal (Pa). Ainsi, lorsque votre médecin vous annonce une tension de 13/7, il réalise en réalité deux erreurs. La première est qu’il ne vous indique pas les unités, qui doivent être dans son cas annoncées en mmHg. La seconde est que ces deux valeurs doivent être multipliées par un facteur 10 afin d’être dans les ordres de grandeur des pressions artérielles observées chez l’humain. Ainsi, 13/7 signifie que vous avez une pression systolique de 130 mmHg et une pression diastolique de 70 mmHg. D’autre part, il peut arriver également que le médecin, ou l'infirmière du service, mesure votre pression artérielle à l’aide d’un appareil de manière automatique. Gardez simplement à l’esprit qu’aujourd’hui seules les mesures de pression artérielle réalisées via un appareil au niveau du bras sont cliniquement validées et en adéquation avec les mesures réalisées manuellement à partir d’un brassard pneumatique et d’un stéthoscope [8]. Les mesures réalisées au niveau des autres membres périphériques ne sont pas toujours fiables suivant l'appareil de mesure utilisé [9].

A présent que nous comprenons mieux la signification des chiffres annoncés par le médecin, intéressons-nous à leurs utilités. En médecine, au niveau des artères du bras, il est généralement considéré qu’une pression diastolique comprise entre 60 et 80 mmHg est normale et qu’une pression systolique comprise entre 90 et 140 mmHg est normale [4]. Néanmoins, pour certains experts, seule la pression systolique est réellement intéressante pour le médecin car une valeur supérieure à 140 mmHg est synonyme d’hypertension artérielle [6]. L’hypertension artérielle est caractérisée par une pression artérielle systolique élevée par rapport à ce que peut supporter en temps normal la paroi d’une artère. Néanmoins, si votre médecin vous annonce une pression artérielle trop élevée, cela ne signifie pas que votre artère va se rompre sous la pression d’un moment à l’autre. Il existe en réalité une multitude de mécanismes qui empêchent l’artère de se dégénérer rapidement [7]. Un des mécanismes repose, par exemple, sur la rigidification de la paroi de l’artère ou encore l’augmentation de l’épaisseur de celle-ci afin de contenir au mieux la surpression présente au sein du vaisseau. Cependant, si l’hypertension perdure dans le temps, les artères peineront de plus en plus à contenir la surpression et finiront par développer des maladies au sein même de leur paroi. D’un autre côté, les petits vaisseaux qui ne peuvent accepter de trop fortes pressions vont opposer une résistance de plus en plus forte au flux sanguin ce qui finalement fatiguera le cœur qui devra propulser le sang de plus en plus fort dans l’aorte. Nous voyons donc s’installer un cercle vicieux dans lequel l’hypertension artérielle nourrit l’hypertension artérielle. La mesure de la tension artérielle est donc bien une mesure nécessaire et indispensable afin de dépister au plus tôt la survenue de maladies cardiovasculaires telle que l’hypertension artérielle.

Néanmoins, souvenez-vous que la mesure de la pression artérielle est réalisée au niveau du bras, c’est-à-dire au niveau de l’artère brachiale. La médecine est bien au fait aujourd’hui que les artères présentant un risque de développer des maladies ne sont généralement pas les artères du bras mais plutôt les artères des jambes et les artères centrales (comme l’aorte et l’aorte abdominale). De plus, les pressions artérielles mesurées au niveau du bras ne sont généralement pas corrélées aux pressions artérielles centrales. Ainsi, il peut advenir qu’une pression artérielle au niveau du bras soit dans les normales de pression alors qu’elle cache en réalité une pression au niveau de l’aorte en dehors des valeurs normales [10].
C’est pourquoi, aujourd’hui, la mesure de la pression artérielle au bras peut-être couplée à d’autres techniques de mesure comme la mesure de la rigidité artérielle reconnue comme étant une valeur beaucoup plus fiable et prédictive de l’état de santé du système cardiovasculaire que la pression artérielle seule [1]. Cependant, la mesure de la rigidité artérielle, et ceci peu importe la technique employée, n’est actuellement pas remboursée par nos systèmes de santé. Peine est alors de constater que la mesure de la rigidité artérielle tardera certainement à apparaître dans les cabinets de vos médecins généralistes alors qu’elle représente clairement un facteur de risque approuvée par l’ensemble de la communauté scientifique [1].

Référence(s)

[1] Luc M. Van Bortel, Stephane Laurent, Pierre Boutouyrie, Phil Chowienczyk, J.K. Cruickshank, Tine De Backer, Jan Filipovsky, Sofie Huybrechts, Francesco U.S. Mattace-Raso, Athanase D. Protogerou, Giuseppe Schillaci, Patrick Segers, Sebastian Vermeersch, Thomas Weber. Expert consensus document on the measurement of aortic stiffness in daily practice using carotid-femoral pulse wave velocity. Journal of Hypertension. 2012. Lien
[2] Mansour Razminia, Atul Trivedi, Janos Molnar, Monther Elbzour, Mayra Guerrero, Yasser Salem, Aziz Ahmed, Sandeep Khosla, David L. Lubell. Validation of a new formula for mean arterial pressure calculation: The new formula is superior to the standard formula. Catheterization and Cardiovascular Interventions. 2004. Lien
[3] D. Randall, W. Burggren, K. French. Eckert Animal Physiology. W. H. Freeman, Fifth Edition edition. 2001. Lien
[4] Cornel Pater. The Blood Pressure "Uncertainty Range" – a pragmatic approach to overcome current diagnostic uncertainties (II). Current Controlled Trials in Cardiovascular Medicine. 2005. Lien
[5] János Nemcsik, Orsolya Cseprekál, András Tislér. Advances in Experimental Medicine and Biology. . 2016. Lien
[6] T.E. Strandberg, K. Pitkala.. What is the most important component of blood pressure: systolic, diastolic or pulse pressure ?. Curr Opin Nephrol Hypertens.. 2003. Lien
[7] P. Boutouyrie, S. Laurent.. Remodelage des grosses et petites artères dans l‘hypertension artérielle . Sang Thrombose Vaisseaux.. 2004. Lien
[8] Euan MacDonald, Paul Froggatt, Gwen Lawrence, Stephen Blair. Are Automated Blood Pressure Monitors Accurate Enough to Calculate the Ankle Brachial Pressure Index?. Journal of Clinical Monitoring and Computing. 2008. Lien
[9] E. O'Brien, B. Waeber, G. Parati, J. Staessen, M. G. Myers. Blood pressure measuring devices: Recommendations of the European Society of Hypertension. British Medical Journal. 2001. Lien
[10] C. M. McEniery, J. R. Cockcroft, M. J. Roman, S. S. Franklin, I. B. Wilkinson. Central blood pressure: current evidence and clinical importance. European Heart Journal. 2014. Lien

Commentaire(s)

Par Béatrice, publié le 11-11-2016

Un peu trop compliqué pour moi...

Par Mr Neji Mustapha, publié le 24-07-2018

ma tension est de 13/8 est ce que c normal

Merci d'avance

Par Admin, publié le 07-09-2018

Bonjour Neji Mustapha,

Votre tension est de 130 mmHg pour la systole et 80 mmHg pour la diastole. Ceci est parfaitement normal pour une activité au repos.

Cordialement