2. La rigidité artérielle

NooLib The Blog | le 04-10-2016
Catégorie : Biophysique
Dans un grand nombre d’études prospectives et rétrospectives, les analyses multivariées ont montré une association forte entre le risque d’un évènement cardiovasculaire (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, hypertension artérielle) et les altérations structurales et/ou des fonctions pariétales vasculaires. Il est maintenant bien démontré que la rigidité vasculaire est un marqueur pré- clinique indépendant de la maladie athéromateuse [2]. Dans 95% des cas, l’hypertension artérielle systolique, chez les sujets de plus de 50 ans, s’accompagne d’une augmentation de la rigidité artérielle. Ce constat s’explique notamment par la perte de distensibilité des artères élastiques (gros troncs artériels) avec le vieillissement normal. Pour la cardiopathie ischémique (fatale ou non), sa valeur prédictive est équivalente à celle produite par le score de risque de Framingham. Des résultats récents montrent, chez l’insuffisant rénal chronique, que les patients ayant amélioré leur rigidité vasculaire en réponse à un traitement anti-hypertenseur ont un meilleur pronostic que ceux qui ne l’ont pas améliorée [3].
L’étude des propriétés pariétales vasculaires constitue donc une approche supplémentaire à l’étude et à la prévention des maladies cardiovasculaires. En pratique, la tendance actuelle va à l’évaluation de la rigidité des larges artères de manière non-invasive (c’est à dire sans effraction de la peau). Nous trouverons dans la littérature une multitude d’indices souvent très différents les uns des autres. Ceci vient du fait que le concept même de rigidité est encore mal défini. L’accès aux propriétés élastiques de la paroi artérielle repose très souvent sur des principes théoriques. Toutefois, nous pourrons distinguer deux types d’approches :

  • l’approche dite locale, c’est à dire centrée sur un segment artériel particulier,

  • l’approche dite régionale, c’est à dire réalisée entre deux points de l’arbre artériel.

Nous garderons cependant à l’esprit que l’aorte, de part ses propriétés élastiques, représente l’artère la plus sollicitée mais également la moins accessible de toutes.

1. Constituants de la paroi artérielle


Afin d’appréhender au mieux le concept de rigidité artérielle, il est nécessaire de connaître les différents constituants et les mécanismes de la paroi des vaisseaux. Nous ne développerons uniquement que les concepts en rapport avec les artères de conduction et laisserons de côté les artères de plus petit calibre ainsi que les veines (même si une comparaison s’avére être intéressante).

La paroi artérielle est constituée de plusieurs tuniques disposées de manière concentrique de la cavité endoluminale vers la périphérie de l’artère. Ces tuniques sont l’intima, la media et l’adventice.


Figure 1. Constituants principaux de la paroi d'une artère de conduction


L’intima



C’est la couche interne de la paroi artérielle. Elle est principalement constituée par une couche monocellulaire, d’épaisseur d’environ 15 µm, de cellules endothéliales qui reposent sur une membrane basale, séparée de la limitante (ou membrane) élastique interne (LEI) par un espace virtuel acellulaire : la zone sous endothéliale. La LEI est une couche bien individualisée, d’épaisseur d’environ 40-80 µm, constituée de fibres élastiques (élastine) qui séparent l’intima de la média.

La média


Cette tunique moyenne est la couche principale de l’artère. Elle est limitée par les limitantes élastiques interne et externe (LEE) représentées par d'épaisses lames d’élastine percées de fenestrations. Ces ouvertures sont suffisamment grandes pour permettre le passage bidirectionnel de substances et de cellules.
La média est constituée par l’empilement concentrique d’unités lamellaires formées de cellules musculaires lisses et d’une matrice conjonctive (élastine, collagène et mucopolysaccharides).
 Selon la proportion relative des constituants de cette matrice, deux grands types d’artères sont ainsi distingués :


  • Les artères musculaires (artères coronaires, fémorales, tibiales, brachiales, rénales, artérioles) où l’absence de fibres élastiques est le déterminant principal. Cette couche de cellules musculaires lisses assure les propriétés vasomotrices de ce type artériel.


  • Les artères élastiques (aorte, gros troncs artériels supra-aortiques, carotides, artères iliaques) possèdent une média riche en fibres élastiques qui assurent les propriétés de compliance artérielle (mesure de l’élasticité de l’artère).


L’adventice



La tunique externe est composée d’un tissu conjonctif banal. Elle repose sur une limitante élastique externe qui délimite cette tunique de la média. Elle contient des fibroblastes, des cellules adipeuses et les vasa et nervi vasorum. Le rôle nourricier des vasa vasorum est restreint à la partie externe de la média. En effet celle-ci est avasculaire tant que son épaisseur n’atteint pas une trentaine d’unités lamellaires.

2. Les différentes fibres de la paroi artérielle


La paroi des vaisseaux sanguins présente une structure stratifiée, complexe, où l’on distingue trois constituants fondamentaux :


  1. Les fibres d’élastine, elles apparaissent sous la forme de lames élastiques concentriques (interne ou externe), et sous la forme de fibres disposées en couches superposées et parallèles au sein de la média,

  2. Les fibres de collagène forment des boucles lâches quand la paroi n’est pas étirée. Quand la pression intravasculaire augmente, ces boucles se défont l’une après l’autre. Un tel agencement fait jouer aux fibres de collagène un rôle de « manchon » limitant la dilatation du vaisseau.

  3. Les fibres musculaires lisses, il existe deux catégories de fibres musculaires lisses :


    • Les cellules musculaires de tension, fixés à des fibres élastiques, comme des tendons ; elles peuvent, en se contractant, augmenter la tension du tissu élastique et modifier ainsi le module d’élasticité de la paroi artérielle sans en modifier sensiblement le diamètre.


    • Les cellules musculaires en anneau reliées les unes aux autres. Ces fibres musculaires forment un cordon hélicoïdal. Cet arrangement se retrouve principalement dans les artères de type musculaire et les artérioles.



3. La bordure endothéliale


On trouve dans chaque type de vaisseau une seule couche de cellules endothéliales, formant l’endothélium. De part sa position stratégique, l’endothélium vasculaire n’est pas seulement une simple barrière anatomique entre le sang circulant et les cellules musculaires vasculaires, mais il joue également un rôle essentiel dans une multitude de régulations physiologiques fondamentales, à savoir : l’hémostase, le transport de métabolites entre le sang et les tissus, les phénomènes d’angiogenèse (et de réparation des dommages vasculaires) et le contrôle du tonus vasculaire. Ainsi, un des rôles de ces cellules dans la circulation est principalement de fournir une paroi lisse et d’offrir une perméabilité sélective à l’eau, aux électrolytes, aux sucres et aux autres substances passant du courant sanguin aux tissus. Il semble que cette fonction de transport soit plus développée dans l’endothélium des capillaires que dans l’endothélium des larges artères, bien qu’un transport survienne indiscutablement à travers la bordure des parois des artères de conduction.

Les cellules endothéliales sont très hétérogènes du point de vue de leurs phénotypes selon l’arbre vasculaire, artériel ou veineux, et les organes impliqués comme le cœur, les poumons ou les reins. Cette diversité de l’endothélium rend complexe la compréhension de sa physiologie et de sa physiopathologie.

Dans les conditions physiologiques, les facteurs hémodynamiques (pression artérielle, débit sanguin) sont les déterminants majeurs qui influencent la biologie de l’endothélium et cela, soit par une action directe liée principalement aux variations du flux sanguin (stimuli mécanique), soit par une action indirecte associée aux modifications locales de facteurs chimiques (stimuli chimique). Parmi les stimuli chimiques figurent les neurotransmetteurs (acétylcholine, ATP qui permet la vasoconstriction des vaisseaux), les hormones et même les substances libérées par la cellule endothéliale elle-même (monoxyde d’azote NO ou prostcycline qui permettent la vasodilatation des vaisseaux).

Pour en savoir plus
Le monoxyde d’azote (NO) est un radical libre gazeux jouant le rôle de médiateur pour de nombreuses substances relaxantes du muscle lisse vasculaire. On peut donc considérer que le NO, libéré localement par l’endothélium, entraîne la relaxation localisée des cellules musculaires lisses et l'inhibition de l’agrégation plaquettaire. Dans les milieux biologiques, le NO diffuse rapidement, dans un rayon d’une centaine de micromètres, et active ses cibles moléculaires. La demi-vie très brève du NO permet la régulation d’effets transitoires et labiles. En l’absence d’endothélium vasculaire, comme le réalise un blessure vasculaire, tous ces vasodilatateurs induisent au contraire une vasoconstriction puisque la destruction de l’endothélium va supprimer la production de NO et de ses effets vasodilatateurs. Les cellules musculaires lisses restant exposées au médiateurs libérés par l’agrégation plaquettaire comme l’ATP. L’action de l’ATP comme action vasoconstrictrice n’est alors plus contrebalancée par l’effet de la production de NO. Ce mécanisme permet de réduire la taille du vaisseau et contribue à l’hémostase primaire.


4. La contrainte de cisaillement


L’endothélium des grosses artères va subir, sous l’effet de la vitesse du flux sanguin, une contrainte de cisaillement de la part des composantes présentes à l’intérieur des vaisseaux sanguin (nommé « shear stress » en anglais). Cette contrainte, soit le rapport de la force de cisaillement par unité de surface, va tendre à déplacer les cellules de l’endothélium dans le sens de la direction du flux artériel. La contrainte de cisaillement moyenne sur un cycle cardiaque se déduit des équations de Poiseuille pour un profil de vitesse parabolique :

\sigma_{cisaillement} = \frac{F_{cisaillement}}{S_{vaisseau}} = \frac{4\mu\Phi}{\pi r_0^3}
où μ représente la viscosité dynamique, Φ le flux artériel, r0 le rayon moyen de l’artère. Cependant, il est nécessaire de garder à l’esprit que cette contrainte évolue au cours du cycle cardiaque et que sa direction peut s’inverser.

Ainsi, si les cellules endothéliales en culture sont de forme grossièrement polygonale en l’absence de flux, l’application d’une contrainte de cisaillement modifie cette architecture en quelques heures seulement : ces cellules deviennent allongées et orientent leur grand axe dans le sens du flux circulant. On retrouve, in vivo, la contrepartie exacte de cette observation faite sur des cellules endothéliales en culture. Ainsi, au sinus aortique, et de façon moins marqué, aux points de bifurcation artérielle où le flux n’est pas laminaire (c’est-à-dire turbulent) et le cisaillement est faible, l’endothélium a un aspect en « pavé de rue ». En revanche, au niveau des artères de conductance (aorte) où le flux est laminaire et le cisaillement normal, la morphologie des cellules endothéliales est allongées (rapport longueur/largeur d’environ 4) comme si les cellules s’adaptaient aux forces de friction entre cellules et sang circulant.

Les contraintes de cisaillement contribuent au remodelage de l’ensemble du vaisseau lors d’une modification durable du débit sanguin. Ainsi, une augmentation durable du débit sanguin (de quelques jours à quelques mois) provoque une augmentation du calibre de l’artère (remodelage expansif). Inversement, la diminution durable du débit provoque une diminution du calibre de l’artère. La règle est que l’artère s’adapte afin de garder une contrainte de cisaillement constante. En effet, une augmentation de la contrainte de cisaillement provoquerait un déchirement des cellules endothéliales. Il est donc bien établit que les contraintes de cisaillement sont les principales contraintes capables de réguler les signaux mécaniques aigus dans l’endothélium pour entraîner les modifications du tonus vasculaire. Dans le cas de la cellule endothéliale, les réponses aux contraintes mécaniques peuvent être hiérarchisées de manière spatio-temporelle. En effet, les signaux initiaux liés aux contraintes de cisaillement peuvent entraîner deux conséquences physiologiques [4] :

  1. Une libération rapide de facteurs vasoactifs comme le NO afin de contrôler l’état de contraction des cellules musculaires.

  2. L’adaptation des cellules endothéliales au nouvel environnement hémodynamique par un processus complexe impliquant l’intervention d’un autre signal de régulation des gènes responsables du remodelage vasculaire, au niveau des facteurs de transcription et des événements associés au cytosquelette. Le remodelage le plus connu étant l’alignement des cellules endothéliales dans la direction de l’écoulement sanguin.



5. Viscoélasticité de la paroi artérielle


Les parois vasculaires ont une masse volumique comprise entre 1,0 et 1,2 g/cm3. Celles-ci sont constituées, comme vu précédemment, de trois composants fondamentaux en proportion variable qui sont : l’élastine, le collagène et la fibre musculaire lisse. En particulier :

  1. Les fibres d’élastine sont très élastiques, leur module de Young est de l’ordre de 3.105 N/m2. Elles peuvent être étirées plusieurs fois leurs longueurs initiales sans que soient atteintes leurs limites élastiques.

  2. Les fibres de collagène au contraire sont peu élastiques et leur module de Young est de l’ordre de 3.108 N/m2.

  3. Les fibres musculaires en tension active ont un module de Young pouvant varier entre 6.103 et 6.106 N/m2


Rappel mathématique
Soit une force F agissant sur une surface S exerce une contrainte notée σ :

\sigma = \frac{F}{S}
Nous pouvons alors définir la loi de Hooke à une dimension pour un solide élastique selon :

\sigma = E \epsilon
où ε (sans unité) représente l’élongation du matériau et E (en N/m2) le module de Young ou encore appelé module d’élasticité de la paroi. Plus le matériau est élastique et plus son module de Young sera faible.

La loi de Hooke permet de relier de manière très simplement l’élasticité du matériau à son élongation en fonction de la contrainte que nous exerçons sur lui. Ainsi, si nous modélisons une artère par un cylindre élastique, nous pouvons écrire la loi de Hooke dans chacune des directions de la paroi artérielle en coordonnées cylindriques.


Figure 2.Déformation d'un vaisseau cylindrique de manière longitudinale et radiale.


Ainsi, d'après la figure précédente, l'élongation longitudinale s'écrira :

\epsilon_l = \frac{\Delta L}{L} = \frac{L-L_0}{L}
et la force longitudinale Fl appliquée à la paroi sera :

\sigma_l = \frac{F_l}{S} = E \frac{L-L_0}{L}
F_l = E S \frac{L-L_0}{L}

De même, l'élongation radiale s'écrira :

\epsilon_r = -\frac{1}{k}\frac{\Delta R}{R} = -\frac{1}{k}\frac{R-R_0}{R}
où il est nécessaire ici d'ajouter un coefficient de proportionnalité, dit coefficient de Poisson, noté k. La force radiale Fr qui s'oppose à l’étirement radiale sera donc :

\sigma_r = \frac{F_r}{S} = -\frac{E}{k}\frac{R-R_0}{R}
F_r = -\frac{\pi E R_0^2}{k}\frac{R-R_0}{R}

Les milieux biologiques ne sont généralement ni homogènes ni isotropes. L’état physiologique moyen d’une paroi vasculaire est un état de contrainte non nul, ce qui conduit à étudier le comportement du matériau biologique autour de ce point, et non pas à partir de l’origine 0 des contraintes. Ce fait justifie que l’on introduise dans les calculs la pente de la tangente en M, c’est-à-dire le module incrémental :

E = \left. \frac{d\sigma}{d\epsilon} \right|_M
E varie avec la position M. Il ne peut être constant que sur d’éventuelles parties rectilignes de la courbe illustrant la loi de comportement non linéaire du tissu vasculaire. Dans les conditions physiologiques la variation relative du rayon des artères est au maximum de 7 à 10% autour de sa valeur moyenne correspondant à une pression transmurale P (différence de pression entre le milieu extérieur et le milieu intérieur du vaisseau) de l’ordre de 0.13 bar.

Le module de Young augmente en général avec la pression transmurale et avec l’âge de l’individu. L’ensemble est comparable mécaniquement à un tuyau de caoutchouc (élastine) protégé extérieurement par une enveloppe de toile (collagène). 
Dans leur état physiologique normal, les artères sont dans un état d’étirement longitudinal et généralement en surpression interne, donc à une pression transmurale positive de valeur moyenne de 0.13 bar pour les grosses artères systémiques, ce qui leur assure une section droite circulaire. Le rayon augmente avec la pression mais suit une loi fortement non linéaire dont on admet qu’elle est sous la dépendance de l’élastine aux faibles pressions et sous la dépendance du collagène aux fortes pressions :


Figure 3. Évolution du rayon relative R/R0 d’un matériau cylindrique en fonction de la tension appliquée T. En (1) nous avons un tissu frais, en (2) un tissu sans élastine et en (3) un tissu sans collagène.


Enfin, il est généralement admis que les parois des artères sont pratiquement incompressibles. Cependant, de récentes études [1] ont montré qu’il était possible de mesurer la compressibilité de la paroi de l’artère carotidienne par échographie. Ces études mettent notamment en évidence que la compressibilité de la paroi artérielle est grandement augmenté chez des patients présentant une pathologie du tissu conjonctif très particulière appelée PXE (pour Pseudoxanthoma Elasticum).

Loi de Laplace


La loi de Laplace est très utile afin de mettre en relation le rayon interne Ri et externes Re de l’artère avec sa pression interne Pi et sa pression externe Pe en fonction des tensions interne Ti et externe Te appliquées sur la paroi de l’artère, c’est-à-dire :

P_i - P_e = \frac{T_i}{R_i} = \frac{T_e}{R_e}

Tension appliquée sur la paroi artérielle


Nous pouvons également modéliser les tensions appliquées au niveau d’une artère par trois contraintes selon les trois directions de l’espace cylindrique :


Figure 4. Contrainte longitudinale, radiale et circonférentielle le long d'un vaisseau cylindrique.


Nous définissons ainsi :

  • La tension radiale
    \sigma_r = P_i R_i

  • La tension circonférentielle
    \sigma_c = \frac{P_i R_i}{h}
    où h représente l'épaisseur intima-média de la paroi artérielle.

  • La tension longitudinale
    \sigma_l = \frac{1}{2} \sigma_c



6. Évolution du diamètre artériel


Le diamètre d’une artère n’est pas constant au cours du temps. En effet, au cours d’un cycle cardiaque, la pression artérielle va évoluer en augmentant rapidement au cours de la phase systolique et en diminuant progressivement au cours de la phase diastolique. Puisque les contraintes appliquées à la paroi de l’artère vont dépendre directement de la pression artérielle, alors ces contraintes vont également évoluer au cours d’un cycle cardiaque. Et puisque les contraintes déterminent le diamètre de l’artère en fonction de ces propriétés viscoélastiques alors le diamètre évoluera également au cours d’un cycle cardiaque avec une augmentation rapide au cours de la phase systolique et un relâchement progressif au cours de la phase diastolique. Sur la figure suivante, nous pouvons visualiser l’évolution du diamètre et la vitesse du flux sanguin au cours d’un cycle cardiaque. Nous pouvons alors observer que ces différentes variables ne sont donc pas constante dans le temps et présentent plus ou moins le même motif temporel.


Figure 5. Évolution du diamètre (en rouge) et de la vitesse du sang (en noir) au niveau de l’artère carotide au cours d’un cycle cardiaque. L'enregistrement a été réalisé au CHU d’Angers. L'axe des temps est en milliseconde.


Sur la vidéo ci-dessous nous pouvons visualiser en temps réel sur plusieurs cycles cardiaques la déformation de la paroi carotidienne.

Évolution du diamètre d'une artère carotide commune enregistrée au CHU d’Angers par échographie sur un appareil de type Aloka.


Sur un tout autre registre, plusieurs études ont montré que lors de test de dilatation dynamique d’un segment de la paroi artérielle, une boucle d’hystérésis apparaît sur la courbe pression-diamètre.


Figure 6. Tracés typiques de relations pression-surface de la lumière d’une aorte abdominale de rat, obtenus in vivo (ligne continue) et in vitro (ligne pointillée). In vitro, l’aire de la boucle d’hystérésis et la surface de la lumière sont plus élevées qu’in vivo. Repris de [5].


Elle signifie que l’état de contraintes de la paroi n’est pas seulement déterminé par la déformation correspondante, mais également par les déformations antérieures. Les composants de la paroi constituent donc un solide viscoélastique et pas simplement élastique.
 Différents modèles de viscoélastique linéaires sont utilisés pour décrire le comportement de la paroi artérielle. Certains font l’analogie avec les éléments élastiques et visqueux de la mécanique (ressort et amortisseur). Boltzmann a proposé une formulation linéaire générale dans laquelle la déformation à l’instant t dépend de l’ensemble des forces appliquée à un temps t’ inférieur à t. La contribution des forces est alors modélisée par une fonction de retard.

7. Rigidité de la paroi artérielle et matrice extracellulaire


L’élasticité de la paroi artérielle, ou son contraire la rigidité, est conditionnée par deux mécanismes :

  1. Le rapport entre les fibres d’élastines et les fibres de collagène. Il est de 1,5 pour l’aorte et descend à 0,5 pour l’artère fémorale ce qui explique en partie pourquoi l’aorte est considérée comme une artère élastique en comparaison aux artères périphériques.

  2. L’assemblage de ces fibres avec le reste du réseau matriciel selon une organisation tridimensionnelle extrêmement complexe. De cet assemblage dépend de la cohésion du tissu vasculaire.


Compte tenu de la composition de la paroi, les liaisons entre les différents composants sont de type matrice-matrice ou cellule-matrice. Des liaisons entre les différents réseaux fibrillaires de collagène et d’élastine sont bien décrites et impliquent le plus souvent des liaisons non covalentes de type électrostatique entre des motifs protéiques portés par des protéines d’adhésion comme les protéoglycanes. Les protéoglycanes sont des macromolécules composés d’une partie protéique porteuse sur laquelle sont greffées par liaison covalente des glycosaminoglycanes qui explique la grande capacité de ces macromolécules à interagir avec les autres protéines matricielles et cellulaires (élastine, collagène). Il a été montré en particulier que les protéoglycanes sont des constituants quantitativement important de la matrice et qu’une diminution de ces derniers s’accompagnaient d’une augmentation de la rigidité artérielle.

Cas de l'athérosclérose


L’athérosclérose est une association variable de remaniements de l’intima des artères de conduction, consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calciques, le tout s’accompagnant de modifications de la média. Des plaques d’athérosclérose vont se former à diverses endroits le long de la paroi artérielle, la fragiliser et en modifier ses constituants notamment par l'intermédiaire de l'endothélium.


Figure 7. Exemple de restructuration de la paroi d'une artère dans le cas d'une hyperlipidémie conduisant à une athérosclérose.


Sur la figure précédente, nous pouvons observer une hypothétique restructuration des composants de la paroi artérielle lors d'une hyperlipidémie, c'est-à-dire lorsque le taux de lipide dans le sang est supérieur à la normale incluant notamment le cholestérol et les triglycérides, conduisant à une fragilisation de la paroi artérielle. L'hyperlipidémie, et les autres facteurs de risque comme le tabac ou l'obésité, sont supposés entraîner des lésions de l’endothélium, ayant comme conséquence l’adhérence des plaquettes et des monocytes, la libération de facteurs de croissance (en particulier le PGDF), ce qui conduit à la migration et à la prolifération des cellules musculaires lisses au sein de la paroi artérielle.

Pour en savoir plus :
L'athérosclérose est une maladie très répandue mais également très mal connue des chercheurs. En effet, la formation des plaques d'athérosclérose le long de la paroi artérielle est extrêmement complexe à appréhender et les recherches actuelles peinent à démontrer les relations de causes à effets entre les constituants de la paroi artérielle et la lumière de l'artère.

Cependant, nous pouvons émettre l'hypothèse que les cellules constituants les plaques d'athérosclérose dérivent à la fois des macrophages et des cellules musculaires lisses :

  1. Des macrophages par l’intermédiaire des récepteurs des VLDL (lipoprotéines de très basse densité), et des récepteurs éboueurs reconnaissant des LDL (lipoprotéines de basse densité) modifiées (par ex. des LDL oxydées).

  2. Des cellules musculaires lisses grâce à des mécanismes plus mal connus. Les lipides extracellulaires proviennent de la lumière du vaisseau (phénomène d’insudation), particulièrement en présence d’une hypercholestérolémie, et aussi de la dégradation de cellules spumeuses.


L’accumulation du cholestérol dans la plaque est la conséquence d’un déséquilibre entre ses entrées et ses sorties, et il est possible que les lipoprotéines de haute densité (HDL) puissent aider à éliminer le cholestérol de ces amas. Les cellules musculaires lisses migrent vers l’intima, se multiplient et produisent des constituants de la matrice extra-cellulaire, notamment du collagène et des protéoglycanes.


8. Les grandes composantes de la rigidité artérielle


En ce qui concerne notre problématique de départ, nous pouvons dores et déjà spécifier l’ensemble des variables qui seront susceptibles d’être utilisées dans la mesure de la rigidité artérielle. En effet, les recherches en laboratoire ont montré que la rigidification de l’arbre artériel était largement dépendant de trois grandes composantes qui sont :

  1. La pression artérielle pulsée.

  2. Les propriétés élastiques de l’artère à se déformer

  3. Les propriétés géométriques de l’artère.




Figure 8. Principales composantes de la rigidité artérielle.


A partir de ces trois grandes composantes, nous pouvons alors spécifier, pour chacune d’entre elles, les variables qui lui sont associées. Ainsi, la pression artérielle pulsée, notée Δp, correspond à :

\Delta P = P_{systolique} - P_{diastolique}
La pression pulsée représente la première composante de la rigidité artérielle. Ainsi, plus la pression pulsée augmente et plus la rigidification de l’arbre artériel croît presque de manière proportionnelle.

La distensibilité de l’artère, notée DS, représente la variation de diamètre, noté Φ, entre la phase systolique et diastolique, c'est-à-dire :

DS = \frac{\Phi_{systolique} - \Phi_{diastolique}}{\Phi_{diastolique} \Delta P}
La distensibilité représente la seconde grande composante de la rigidité artérielle et correspond au pouvoir élastique de l’artère à se dilater lors de chaque battement cardiaque. La distensibilité est normalisée par la pression artérielle pulsée qui règne à l’intérieur du vaisseau. Elle doit donc essentiellement être rattachée aux propriétés élastiques de la paroi de l’artère. Ainsi, plus la paroi du vaisseau perd en distensibilité et plus la rigidité augmente.

Une alternative à la distensibilité artérielle serait représentée par la compliance artérielle C qui s'écrit :

C = \frac{dV}{dP}
où V représente le volume de l'artère. La compliance artérielle s'attache donc à mesurer la variation du volume de l'artère par rapport à la pression présente à l'intérieur du vaisseau. Ainsi, plus la compliance est faible, moins le vaisseau se dilatera en rapport à la pression appliquée sur sa paroi. Bien que distensibilité et compliance artérielle sont toutes deux des notions rattachées aux propriétés élastiques de la paroi artérielle, elles ne sont pourtant pas interchangeables. En effet, la distensibilité serait davantage en relation avec les propriétés visco-élastiques pures de la paroi de l'artère sans prendre en compte la pression qui règne au sein du vaisseau. Au contraire, la compliance artérielle s'intéresse à la déformation de la paroi du vaisseau selon la pression qui lui est exercée.

Enfin, et pour finir, les propriétés géométriques de l’artère, qui comprennent le rayon de l’artère (r), la longueur du vaisseau (l) et son épaisseur intima-média (EIM), représentent la dernière composante de la rigidité artérielle. Il a notamment été montré une relation entre la diminution de la lumière artérielle, l'augmentation de l'EIM et une augmentation de la rigidité artérielle.

Bien évidement, ces trois composantes sont inter-connectées et nous pouvons aisément imaginer que la modification de l’une des composantes entraînera, à plus ou moins long terme, une modification des autres composantes de la rigidité artérielle. Cela représente, en réalité, toute la difficulté à séparer les différentes composantes de la rigidité artérielle pour en observer qu'une seule lors des études cliniques.

Référence(s)

[1] D. P. Germain. Arterial Remodeling and Stiffness in Patients With Pseudoxanthoma Elasticum. Arteriosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology. 2003. Lien
[2] Jacques Blacher, Jan A. Staessen, Xavier Girerd, Jerzy Gasowski, Lutgarde Thijs, Lisheng Liu, Ji G. Wang, Robert H. Fagard, Michel E. Safar. Pulse Pressure Not Mean Pressure Determines Cardiovascular Risk in Older Hypertensive Patients. Archives of Internal Medicine. 2000. Lien
[3] A. P. Guerin, J. Blacher, B. Pannier, S. J. Marchais, M. E. Safar, G. M. London. Impact of Aortic Stiffness Attenuation on Survival of Patients in End-Stage Renal Failure. Circulation. 2001. Lien
[4] P. Lacolley, D. Babuty, C. Boulanger, B. Ghaleh, G. Loirand, F. Pinet, J. Samuel. Biologie et pathologie du coeur et des vaisseaux. John Libbey Eurotext. 2008. Lien
[5] P. Boutouyrie, Y. Bezie, P. Lacolley, P. Challande, P. Chamiot-Clerc, A. Benetos, J. F. Renaud de la Faverie, M. Safar, S. Laurent. In Vivo/In Vitro Comparison of Rat Abdominal Aorta Wall Viscosity : Influence of Endothelial Function. Arteriosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology. 1997. Lien

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